vendredi 16 mai 2014

Six jours


Je suis un peu malade, courbatures, mal de tête.
La photo, c'est ce que je vois par la porte fenêtre en face de mon lit

J'ai rendez-vous avec Nariman à 13h. Elle va à l'Université de Bethléem. C'est une bonne élève. Elle apprend le français (je ne sais pas si j'y suis pour quelque chose). Elle veut un peu d'aide.

Cette photo n'a rien à voir avec Nariman

J'ai du mal à me préparer, j'ai mal partout.
Petit exercice du matin : préparer le café avec la lumière du couloir allumée.
Prendre une douche sous le minuscule filet d'eau.
Me remettre de la mauvaise nouvelle pour mon appartement.
Matin super moyen.

Celle-ci non plus

Mais je suis content, j'ai rendez-vous avec Nariman. Ca fait trois ans qu'on se connait.
J'aivais écrit un texte à son sujet. Je le racontais au public pendant le spectacle "Je Suis Ici". C'est la création de la Compagnie Sîn. Nous racontions des histoires réelles ou fictives de Palestiniens. On installait un camp de réfugiés sur une place pendant 29 heures et on invitait le public à visiter nos tentes. Pour ça il devait franchir le checkpoint du camp.

Voilà le texte :



"Nariman

Tu vois, je faisais un atelier photo avec des ados du camp d’Aïda, les jeunes avaient entre 14 et 16 ans. Deux filles et quatre garçons. Je voulais les prendre en photo devant leur maison.

J’arrive devant la maison de Nariman.

Nariman c’est une jeune fille de 16 ans, elle a un sacré caractère. Je trouve que les femmes ICI ont un sacré caractère, mais Nariman est encore un cran au-dessus. Les mecs qui la cherchent se prennent des tannées, elle court vite … Elle crie plus fort qu’eux, bref elle ne s’en laisse pas compter. Elle est intelligente, vive, à fond dans la vie. Elle très espiègle.

J’arrive donc devant sa maison, on est immédiatement reçus par sa mère, elle est très souriante, j’ai du mal à évaluer son âge. Qui est le plus vieux de nous deux ? Elle ou moi ? J’ai l’impression que c’est elle, pas à cause des rides, mais elle me semble très posée elle a le sourire bienveillant et sincère des gens qui ne font pas de cinéma. Elle semble très heureuse que l’on vienne la voir.

Elle s’adresse à moi en Arabe, Amira me traduit en Anglais :

Est-ce que ma fille Nariman va réussir sa vie ?

Pourquoi elle me demande ça ? Quelle qualité cette mère imagine de moi pour que je puisse savoir ça ? Je suis un médium ou un sage européen à ses yeux ?

J’imagine la situation inverse, un arabe qui arrive tout droit d’Egypte par exemple à qui je demande si mon fils de 14 ans va réussir sa vie.

Je suis trop prétentieux pour faire un truc pareil. Trop sûr de moi, trop Européen.


Trop vieux."


 Bientôt je dois la retrouver.

Avant j'appelle mon agence à Nice au sujet de mon appartement. Une très bonne nouvelle, on a une solution. J'aurai les clés de mon futur appartement. Je vais retrouver mes enfants dans de bonnes conditions.

Pas plus que celle là.

Voilà, je suis propre et caféiné.

12h55 j'arrive à Al Rowwad, Nariman m'attend.  Malgré le simple serrage de mains, les retrouvailles sont chaleureuses. La bise ce n'est qu'entre femmes.

On s'installe dans des poufs, elle ouvre ses cahiers.
Eh bien si les cours d'Anglais en France étaient aussi bon que ceux des Palestiniens, on serait tous bilingues.
Sa vraie seule difficulté, c'est la prononciation (son prof est Arabe). Sinon tout était parfait.

On travaille 2 heures environ. Je suis vraiment fatigué. Vers la fin je n'arrive plus à me concentrer.
J'encourage Nariman et la félicite. Elle va avoir une bonne note.

Elle m'accompagne dans le camp pour m'aider à acheter un balais, une serpillière et une lampe de chevet (le néon au plafond a ses limites).

Enfin je rentre chez moi, il est 16h, j'ai mal à la tête, je prends un doliprane. Je me couche, je pense que j'ai de la fièvre.

Vers 16h30 je suis réveillé par une musique puissante et des cris. Il y a un mariage en dessous de chez moi. Pile sous ma chambre. J'ai l'impression que les baffles sont dans la pièce.

Comme ma lampe de chevet ne fonctionne pas, je sors pour la faire changer.

Dans la pièce sous la mienne, 15 m carrés maximum, au moins 30 personnes qui dansent. Des femmes, des ados et des enfants. A rez-de-chaussée les hommes d'âge moyen sont ensemble et fument le narguilé. Dans la rue, les hommes plus âgés ont installé un "salon". Avec thé, café et narguilé. Il se sont éloignés du bruit. Toutes les tenues sont soignées. Il y a des enfants en costume et des femmes très maquillées. Des odeurs très fortes de parfums pas très chers ...

Je change ma lampe, achète mon repas du soir. Je rentre. Le mariage s'arrête. Silence.

Non, maintenant c'est l'appel à la prière.

Cette journée un peu bizarre se termine.

Je termine le blog au son du dernier appel à la prière.



Aujourd'hui, je n'ai pas pris de photos. 
Celles qui sont dans cet article ont été prises les jours précédents. Elles sont toutes du camp.


















Ce sont les dessins des habitants du camp, arrêtés et emprisonnés par les Israéliens

Aujourd'hui, je ne suis pas sorti du camp.

2 commentaires:

  1. Encore une belle page, un plaisir de te suivre. Bonne continuation

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  2. Salut Olivier, oui c est,un vrai plaisir de te suivre. Se plonger dans les images et les mots en toute simplicité, merci!soigne toi bien ! Bises

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